Le personnage peut sembler nonchalant, un brin désinvolte dans l'apparence comme dans le geste. Pourtant, dès qu’il se lance dans un de ses débats dont il a le secret, finie la désinvolture :
Peut-on refaire toujours la même erreur ?
Comment « danser sa vie » comme le prônait Prince ?
A la conquête d’un autre soi... (avec Joël de Rosnay au Cube en mai dernier)
Sur ces sujets qu'il propose dans les entreprises, les salles de cinéma ou sur les plateaux les plus divers, quand il ne les enseigne pas dans des cadres plus académiques, Charles Pépin semble improviser en mêlant un flux étonnant d’idées personnelles, aux références philosophiques les plus pointues.
Tout philosophe qu'il soit, cet orateur des temps modernes parle de la vie, de nous autres qui nous y emmêlons pour avancer comme on peut, et nous propose les clés que les maîtres philosophes ont conçues, depuis tous ces siècles passés à réfléchir sur ces questions existentielles.
La confiance en soi, une philosophie, n’est donc pas un énième livre de développement personnel à la mode, mais le dernier cru philosophique de Charles Pépin.
Ce philosophe pédagogue et auteur, qui collabore régulièrement avec Jul pour des bandes-dessinées humoristiques (dont l'hilarant Platon Lagaffe survivre au travail, ou 50 nuances de Grecs), nous livre un nouvel élément clé de sa vision, qui apparaissait déjà bien sentie dans ses précédents opus : Quand la beauté ou nous sauve, ou plus récemment Les vertus de l'échec.
Exemples avec le chapitre sur Le passage à l’acte (chapitre 7) :
ce n’est pas seulement en moi que je dois avoir confiance, mais en cette rencontre entre le monde et moi. En ses conséquences, parfois heureuses, parfois moins, souvent inattendues.
(...)
Agir, c’est inviter le soi dans la ronde de l’existence, l’inviter à sortir de soi plutôt qu’à se persuader qu’il contient en lui l’essence pure de sa valeur, l’inviter à « s’éclater » plutôt qu’à se replier. C’est le sens du titre d’une oeuvre majeure de Sartre La transcendance de l’ego. La valeur de l’ego est ‘transcendante’ : elle se joue et se conquiert hors de l’ego, dans sa capacité à agir, à tisser des relations avec les autres, à prendre part au tourbillon de la vie.
N’ayez donc pas confiance en vous : ayez plutôt confiance en tout ce que votre action est capable de créer en vous offrant un point de contact avec le monde, ayez confiance en ce qui dépend de vous comme en ce qui n’en dépend pas, ayez confiance en la réalité que votre action est déjà en train de remodeler...
Et tout cela à partir d'une prémisse esquissée en début du livre « les implications philosophiques immenses » ... de la première fois où un bébé se voit dans un miroir : c’est par la confirmation de l’autre (son parent) qu’il se reconnaît comme étant ce qu'il voit.
Je ne vais pas déflorer le propos du livre, mais tout cela est rassurant. C’est validant. De ces intuitions ou ressentis divers... Tout ce que la vie peut murmurer à tout un chacun, est ici appuyé par une pensée qui combine notre présent avec les plus grands concepts élaborés bien avant que l'on n'ai commencé à s'y confronter soi-même.
Dans cette écriture qui peut parler à tous, le talent de Charles Pépin est d’aborder ces thèmes sur-intellectualisés d'une façon qui permet d'en percevoir la sagesse, simple et profonde. Cette philosophie propose une vision explicative de nos déboires très contemporains, et met en lumière tous les autres sens qui peuvent leur être donné.
Ces petites parcelles de vérité (ou de beauté, choisissez) que partout dans le monde la condition d’humain nous fait ressentir plus ou plus confusément, ressortent ici expliquées, démontrées. Ce n’est pas qu’on nous apprend le monde, on nous aide à le décoder.
Tout comme les belles histoires ou les séries les plus rentables. Comment ne pas penser philosophie quand - dans la saison 3 de La Casa de Papel - le personnage de Berlin dit que « La vie c’est l’art de cultiver la beauté » ou qu'il certifie au Professeur que « Le chaos est présent à chaque seconde, chaque instant... » et qu’il ne sert à rien de chercher à tout contrôler ?
D'ailleurs si l’on aime ces œuvres d’art ou ces séries populaires, ce n’est pas seulement parce qu’elles sont nouvelles, spectaculaires ou innovantes. Il semblerait même que malgré toute notre intelligence et les avancées du progrès... nous n’ayons rien inventé de si neuf : ces histoires et leur beauté existent depuis toujours. Et si on les aime toujours autant, c’est aussi parce qu’elles nous rappellent, avec plus ou moins d’inventivité certes, la folie de la condition humaine, et de sa nature, ô combien ancienne aussi.
Alors un peu de cette bonne vieille philosophie ne peut pas nuire à mieux vivre cette nature.
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